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Page:Clapin - Sensations de Nouvelle-France, 1895.djvu/4

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Sensations de Nouvelle-France

nouveau. Pour peu surtout que le voyageur soit favorablement disposé, il recevra là, en ces courts instants, dans son for intérieur, des secousses plus ou moins profondes — en argot de journaliste on appelle cela des chocs — dont le rappel lui sera plus tard précieux pour l’aider à dégager la formule de tout ce qu’il aura vu et ressenti.

Je regarde donc attentivement où je suis. À travers la vitre tout embuée par la fraîcheur de ce matin d’octobre, mes yeux se promènent sur une vaste plaine se déroulant, sans une brisure, jusqu’à une ligne de bois touffus qui masque l’horizon. La montée prochaine de l’aurore se devine aux reflets de plus en plus vifs que prend, tout là-bas, la barre du jour. Une brume diaphane flotte encore, par endroits, au-dessus des prés, et va s’épaississant au fond des coulées.

Peu de signes de vie encore. Sur le quai de la gare un homme va et vient, somnolent, traînant les jambes, et aide une pauvre femme chargée de marmaille à monter en wagon. Près de la porte, et assis à croupetons sur une caisse, un autre homme — un paysan, je crois — indifférent à tout, l’œil atone, fumaille à petits coups sa première pipe du matin.

Un peu plus loin se dresse une humble mai-