Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/181

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pouvait entrer dans sa tête, et il eût cru perdre son temps et ses paroles s’il m’avait questionnée là-dessus ; car il ne pouvait pas se persuader que je fusse encore pucelle.

Il fît inutilement une seconde tentative qui me causa plus d’angoisses qu’auparavant ; mais, de peur de lui déplaire, j’étouffais mes plaintes de mon mieux. Enfin, ayant essuyé plusieurs semblables assauts sans succès, il s’étendit à côté de moi hors d’haleine, et séchant mes larmes par mille baisers brûlants, il me demanda avec tendresse si je ne l’avais pas mieux souffert des autres que de lui. Je lui répondis d’un ton de simplicité persuasive qu’il était le premier homme que j’eusse jamais connu. Charles, déjà disposé à me croire par ce qu’il venait d’éprouver, me mangea de caresses, me supplia, au nom de l’amour, d’avoir un peu de patience, et m’assura qu’il ferait tout son possible pour ne point me faire de mal.

Hélas ! c’était assez que je susse lui faire plaisir pour consentir atout avec joie, quelque douleur que je prévisse qu’il me fît souffrir.

Il revint donc à la charge ; mais il mit auparavant une couple d’oreillers sous mes reins pour donner plus d’élévation au but où il voulait frapper. Ensuite, il marque du doigt sa visée, et s’élançant tout à coup avec furie, sa prodigieuse raideur brise l’union de cette tendre partie et pénètre justement à l’entrée. Alors, s’apercevant du petit progrès, il force le détroit, ce qui me causa une douleur si cuisante que j’aurais crié au meurtre si je n’avais appréhendé de le fâcher. Je retins mon haleine, et serrant mes jupes entre mes dents, je les mordais pour faire diversion au mal que je souffrais. À la fin, les barrières délicates ayant cédé à de violents efforts, il pénétra plus avant. Le cruel, en cet instant, ne se possédant plus, se précipite avec ivresse ; il déchire, il brise tout ce qu’il rencontre et, couvert et fumant