Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/225

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et compliments pour ma docilité et mon bon caractère : « J’étais une aimable fille… je prenais les choses de bonne grâce… je n’étais pas bégueule… je serais la perle de la maison… », etc.

Ce point arrêté, les jeunes femmes laissèrent Mme Cole me parler et m’expliquer les choses. Elle m’apprit alors que « je serais présentée, ce soir même, à quatre de ses meilleurs amis, l’un desquels, suivant les coutumes de la maison, aurait le privilège de m’engager dans la première partie de plaisir » ; elle m’assurait, en même temps, que « c’étaient tous de jeunes gentlemen, agréables de leur personne et irréprochables sous tous les rapports ; qu’unis d’amitié et liés ensemble par la communauté des plaisirs, ils formaient le principal soutien de sa maison et se montraient fort libéraux envers les filles qui leur plaisaient et les amusaient : de sorte qu’à vrai dire, ils étaient les fondateurs et les patrons de ce petit sérail. Elle avait sans doute, en certaines occasions, d’autres clients avec lesquels elle mettait moins de formes ; mais avec ceux-là, par exemple, il n’y avait pas moyen de me faire passer pour pucelle : ils étaient d’abord trop connaisseurs, trop au fait de la ville pour mordre à un tel hameçon ; puis ils étaient si généreux pour elle qu’elle eût été impardonnable de vouloir les tromper ».

Malgré la joie et l’émotion que cette promesse de plaisir, car c’est ainsi que je la prenais, excitait en moi, je restai assez femme pour affecter un peu de répugnance, de façon à me donner le mérite de céder à la pression de ma patronne. En outre, je crus devoir observer que je ferais peut-être bien d’aller chez moi m’habiller, pour produire au début une meilleure impression.

Mais Mme Cole, s’y opposant, m’assura « que les gentlemen auxquels je devais être présentée étaient, par leur éducation et leur goût, fort loin d’être sensibles à cet apparat