Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/224

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tout représentant du sexe mâle n’était pas indistinctement admis, mais seulement ceux dont Mme Cole avait éprouvé d’avance le caractère et la discrétion. Bref, c’était la maison galante de la ville la plus sûre, la mieux tenue et, en même temps, la plus confortable ; tout y était conduit de telle sorte que la décence ne gênât en rien les plaisirs les plus libertins, et, dans la pratique de ces plaisirs, les familiers de la maison d’élite avaient trouvé le secret si rare et si difficile de concilier les raffinements du goût et de la délicatesse avec les exercices de la sensualité la plus franche et la plus prononcée.

Le lendemain, après une matinée consacrée aux caresses et aux leçons de mes compagnes, nous nous mîmes à table pour dîner, et alors Mme Cole, qui présidait, me donna la première idée de son adresse à diriger ces filles et à leur inspirer pour elle-même de si vifs sentiments d’amour et de respect. Il n’y avait, dans ce petit monde, ni raideur, ni réserve, ni airs de pique, ni jalousies : tout y était gai sans affectation, joyeux et libre.

Après le dîner, Mme Cole, avec l’assistance des jeunes demoiselles, me prévint qu’il y aurait ce soir même un chapitre à tenir en forme, pour la cérémonie de ma réception dans la confrérie : sous réserve de mon pucelage qui devait, à la première occasion, être servi tout chaud à un amateur, il me fallait subir un cérémonial d’initiation qui, elles en étaient sûres, ne me déplairait pas.

Lancée comme je l’étais et, de plus, captivée par la séduction de mes compagnes, j’étais trop bien disposée en faveur d’une proposition quelconque qu’elles me pouvaient faire, pour hésiter à accueillir celle-ci. Je leur donnai, en conséquence, carte blanche[1], et je reçus d’elles toutes force baisers

  1. En français dans le texte.