Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/228

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« Cependant l’hôtesse, une chandelle à la main, nous conduisit au bout d’une longue cour, à un appartement séparé du corps de logis. Nous la suivîmes sans souffler mot, et elle nous laissa dans un misérable bouge, où il n’y avait pour tout meuble qu’un grand vilain grabat et une chaise de bois toute démantibulée. J’étais alors si innocente que je ne pensais pas faire plus de mal en couchant avec un garçon qu’avec une de nos servantes, et peut-être n’avait-il pas eu lui-même d’autres idées, jusqu’à ce que l’occasion lui en inspirât de différentes. Quoi qu’il en soit, il éteignit la lumière avant que nous fussions entièrement déshabillés. Lorsque j’entrai dans le lit, mon acolyte y était déjà et la chaleur de son corps me fit d’autant plus de plaisir que la saison commençait à être froide. Mais que l’instinct de la nature est admirable ! Le jeune homme me passant un bras sous les reins se serra contre moi, comme si c’eût été seulement à dessein d’avoir plus chaud. Je sentis fermenter, pour la première fois, dans mes veines un feu que je n’avais jamais connu. Encouragé, je le pense, par ma docilité, il se hasarda de me donner un baiser, que je lui rendis innocemment, sans penser que cela tirât à conséquence. Bientôt ses doigts agirent et il me fit toucher ce que je ne connaissais point. Je lui demandai, avec surprise, ce que c’était : il me dit que je le saurais si je voulais ; et n’attendant point ma réponse, il monta immédiatement sur moi. Je me trouvai alors tellement entraînée par un pouvoir dont j’ignorais la cause que je le laissai faire en paix jusqu’à ce qu’il m’arrachât les hauts cris ; mais il n’y avait plus à reculer, le maquignon était trop bien en selle pour le désarçonner ; au contraire, les efforts que je fis ne lui servirent que mieux. Le chemin une fois frayé, nous veillâmes le plus agréablement du monde jusqu’au jour. Il serait inutile de vous ennuyer par un plus long récit ; c’est assez que