Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/235

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par la pousse d’un tendre duvet, qui, si j’ose le dire, avait pris sa croissance sous ma main et sous mes yeux. Ces sensations délicates et les chatouillements que je sentais souvent m’avaient fait assez comprendre que c’était là le centre du vrai bonheur, sentiment qui me faisait languir avec impatience après un compagnon de plaisir et qui me faisait fuir toute société où je ne croyais pas rencontrer l’objet de mes vœux, pour m’enfermer dans ma chambre, afin d’y goûter, du moins en idées, les délices après lesquelles je soupirais.

« Mais toutes ces méditations ne faisaient qu’accroître mon tourment et augmenter le feu qui me consumait. C’était bien pis encore lorsque, cédant aux irritations insupportables qui me tourmentaient, je tentais de les guérir. Quelquefois, dans la furieuse véhémence du désir, je me jetais sur le lit et semblais y attendre le soulagement désiré, jusqu’à ce que, convaincue de mon illusion, je me laissais aller aux consolations misérables de la solitude. Enfin, la cause de mes désirs, par ses impétueux trémoussements et ses chatouillements internes, ne me laissait nuit et jour aucun repos. Je croyais cependant avoir beaucoup gagné lorsque, me figurant qu’un de mes doigts ressemblait à mon souhait, je m’en servis avec une agitation délicieuse entremêlée de douleur, car je me déflorais autant qu’il était en mon pouvoir, et j’y allais de si bon cœur que je me trouvais souvent étendue sur mon lit, dans une véritable pâmoison amoureuse.

« Mais l’homme, comme je l’avais bien conçu, possédait seul ce qui pouvait me guérir de cette maladie ; cependant, gardée à vue de la manière que je l’étais, comment tromper la vigilance de ma mère, et comment me procurer le plaisir de satisfaire ma curiosité et de goûter une volupté délicieuse et inconnue jusqu’alors à mes sens ?