Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/236

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« À la fin, un accident singulier me procura ce que j’avais désiré si longtemps sans fruit. Un jour que nous dînions chez une voisine, avec une dame qui occupait notre premier, ma mère fut obligée d’aller à Greenwich. La partie étant faite, je feignis, je ne sais comment, un mal de tête que je n’avais pas ; ce qui fit que ma mère me confia à une vieille servante de boutique, car nous n’avions aucun homme dans la maison.

«. Lorsque ma mère fut partie, je dis à la servante que j’allais me reposer sur le lit de la dame qui logeait chez nous, le mien n’étant pas dressé, et que, n’ayant besoin que d’un peu de repos pour me remettre, je la priais de ne point venir m’interrompre. Lorsque je fus dans la chambre, je me délaçai et me jetai à moitié nue sur le lit. Là je me livrai de nouveau à mes vieilles et insipides coutumes ; la force de mon tempérament m’excitant, je cherchai partout des secours que je ne pouvais trouver ; j’aurais mordu mes doigts de rage, de ce qu’ils représentaient si mal la seule chose qui pût me satisfaire, jusqu’à ce que, assoupie par mes agitations, je m’endormis légèrement pour jouir d’un rêve qui, sans doute, devait m’avoir fait prendre les positions les plus séduisantes.

« À mon réveil, je trouvai avec surprise ma main dans celle d’un jeune homme qui se tenait à genoux devant mon lit et qui me demandait pardon de sa hardiesse. Il me dit qu’il était le fils de la dame qui occupait la chambre ; qu’il était monté sans avoir été aperçu par la servante, et que, m’ayant trouvée endormie, sa première résolution avait été de retourner sur ses pas, mais qu’il avait été retenu par un pouvoir irrésistible.

« Que vous dirai-je ? Les émotions, la surprise et la crainte furent d’abord chassées par les idées du plaisir que j’attendais de cette aventure. Il me sembla qu’un ange était descendu