Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/247

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tort qu’ils se font en ne respectant pas assez les personnes qui cherchent à leur plaire.

La compagnie s’approcha ensuite de moi, et mon tour étant venu de me soumettre à la discrétion de mon amant et à celle de l’assemblée, le premier m’aborda et me dit, en me saluant avec tendresse, qu’il espérait que je voudrais bien favoriser ses vœux ; mais que si les exemples que je venais de voir n’avaient pas encore disposé mon cœur en sa faveur, il aimerait mieux se priver de ma possession que d’être en aucune façon l’instrument de mon chagrin.

Je lui répondis sans hésiter ou sans faire la moindre grimace que si même je n’avais pas contracté un engagement formel avec lui, l’exemple d’aussi aimables compagnes suffirait pour me déterminer ; que la seule chose que je craignais était le désavantage que j’aurais après la vue des beautés que j’avais admirées, et qu’il pouvait compter que je le pensais comme je venais de le dire.

La franchise de ma réponse plut beaucoup et mon galant reçut les compliments de félicitations de toute la compagnie.

Mme Cole n’aurait pu me choisir un cavalier plus estimable que le jeune gentleman qu’elle m’avait procuré ; car indépendamment de sa naissance et de ses grands biens, il était d’une figure des plus agréables et de la taille la mieux prise ; enfin il était ce que les femmes nomment un fort joli garçon.

Il me mena vers l’autel où devait se consommer notre mariage de conscience et, comme je n’avais qu’un petit négligé blanc, je fus bientôt mise en jupon et en chemise qui, d’accord aux vœux de toute la compagnie, me furent encore ôtés par mon amant ; il défit de même ma coiffure et dénoua mes cheveux, que j’avais, sans vanité, fort beaux. Je restai donc devant mes juges ; dans l’état de pure nature et je dois sans doute leur avoir offert un spectacle