Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/256

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« — Il me blessait, — il me tuait, — j’en devais mourir. »

Telles étaient mes fréquentes interjections. Mais après plusieurs tentatives réitérées, qui ne l’avançaient en rien, le plaisir gagna tellement, le dessus qu’il fît un dernier effort qui lui donna assez d’entrée pour que je sentisse qu’il avait connu le bonheur à la porte du paradis et j’eus la cruauté de ne pas lui laisser achever en cet endroit, le jetant de nouveau bas, non sans pousser un grand cri, comme si j’étais transportée par le mal qu’il me causait ! C’est de la sorte que je lui procurai un plaisir qu’il n’aurait certainement pas goûté si j’avais été réellement vierge. Calmé par cette première détente, il m’encouragea à soutenir une seconde tentative et tâcha, pour cet effet, de rassembler toutes ses forces en examinant avec soin toutes les parties de mon corps. Sa satisfaction fut complète, ses baisers et ses caresses me l’annoncèrent. Sa vigueur ne revint néanmoins pas sitôt, et je ne le sentis qu’une fois frapper au but, encore si faiblement que quand je l’aurais ouvert de mes doigts, il n’y serait pas entré ; mais il me crut si peu instruite des choses qu’il n’en eut aucune honte. Je le tins le reste de la nuit si bien en haleine qu’il était déjà jour lorsqu’il se liquéfia pour la seconde fois à moitié chemin, tandis que je criais toujours qu’il m’écorchait et que sa vigueur m’était insupportable. Harassé et fatigué, mon champion me donna un baiser, me recommanda le repos et s’endormit profondément. Alors je suivis le conseil de la bonne Mme Cole et donnai aux draps les prétendus signes de ma virginité.

Dans chaque pilier du lit, il y avait un petit tiroir, si artificieusement construit qu’il était impossible de le discerner et qui s’ouvrait par un ressort caché. C’était là que se trouvaient des fioles remplies d’un sang liquide et des éponges, qui fournissaient plus de liquide coloré qu’il n’en fallait