Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/257

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pour sauver l’honneur d’une fille. J’usai donc avec dextérité de ce remède et je fus assez heureuse pour ne pas être surprise dans mon opération, ce qui certainement m’aurait couverte de honte et de confusion.

Étant à l’aise et hors de tout soupçon de ce côté-là, je tâchai de m’endormir, mais il me fut impossible d’y parvenir. Mon gentleman s’éveilla une demi-heure après, et, ne respectant pas longtemps le sommeil que j’affectais, il voulut me préparer à l’entière consommation de notre affaire. Je lui répondis en soupirant « que j’étais certaine qu’il m’avait blessée et fendue, — qu’il était si méchant ! »

En même temps je me découvris et, lui montrant le champ de bataille, il vit les draps, mon corps et ma chemise teints de la prétendue marque de virginité ravie ; il en fut transporté à un point que rien ne pouvait égaler sa joie. L’illusion était complète ; il ne put se former d’autre idée que celle d’avoir triomphé le premier de ma personne. Me baisant donc avec transport, il me demanda pardon de la douleur qu’il m’avait causée, me disant que le pire était passé, je n’aurais plus que des voluptés à goûter. Peu à peu je le souffris, ce qui lui donna l’aisance de pénétrer plus avant. De nouvelles contorsions furent mises en jeu et je ménageai si bien l’introduction qu’elle ne se fit que pouce à pouce. Enfin, par un coup de reins à propos, je le fis entrer jusqu’à la garde, et donnant, comme il le disait, le coup de grâce[1] à ma virginité, je poussai un soupir douloureux, tandis que lui, triomphant comme un coq qui bat de l’aile sur la poule qu’il vient de fouler, poursuivit faiblement sa carrière, et j’affectai d’être plongée dans une langoureuse ivresse en me plaignant de ne plus être fille.

Vous me demanderez peut-être si je goûtai quelque plaisir.

  1. En français dans le texte.