Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/263

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passe encore pour ces vieux pécheurs, qui ne peuvent se mettre en train que par les dures titillations que le manège excite.

Quoique je n’eusse en aucune façon besoin de gagner à tel prix de quoi subsister et que ce procédé me parût aussi déplacé que déplorable dans ce jeune homme, je consentis et proposai même de me soumettre à l’expérience, soit par caprice, soit par une vaine ostentation de courage. Mme Cole, surprise de ma résolution, accepta avec plaisir une proposition qui la délivrait de la peine de chercher ailleurs.

Le jour fixé, Mr. Barville vint, et je lui fus présentée par Mme Cole, dans un simple déshabillé convenable à la scène que j’allais jouer : tout en linge fin et d’une blancheur éblouissante, robe, jupon, bas et pantoufles de satin, comme une victime qu’on mène au sacrifice. Ma chevelure, d’un blond cendré tirant au châtain, tombait en boucles flottantes sur mon cou et contrastait agréablement par sa couleur avec celle du reste de la toilette.

Dès que Mr. Barville m’eut vue, il me salua avec respect et étonnement, et demanda à mon interlocutrice si une créature aussi belle et aussi délicate que moi voudrait bien se soumettre aux rigueurs et aux souffrances qu’il était accoutumé d’exercer. Elle lui répondit ce qu’il fallait, et lisant dans ses yeux qu’elle ne pouvait se retirer assez tôt, elle sortit, après lui avoir recommandé d’en user modérément avec une jeune novice.

Tandis que Mr. Barville m’examinait, je parcourus avec curiosité la figure d’un homme qui, au printemps de l’âge, s’amusait d’un exercice qu’on ne connaît que dans les écoles.

C’était un garçon joufflu et frais, excessivement blond, taille courte et replète, avec un air d’austérité. Il avait vingt-trois ans, quoiqu’on ne lui en eût donné que vingt, à cause de