Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/280

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maintes déchirures de sa culotte et m’étais, par gradation, saisie du véritable et glorieux étendard en si bel état, que je vis le moment où tout allait se rompre sous ses efforts. Je détortillai une espèce de ceinture déchiquetée de vieillesse, et rangeant une loque de chemise qui le cachait en partie je le découvris dans toute son étendue et toute sa pompe. J’avoue qu’il n’était guère possible de rien voir de plus superbe. Le pauvre garçon possédait manifestement à un très haut degré la prérogative royale, qui distingue cette condition d’ailleurs malheureuse de l’idiot et qui a donné lieu au dicton populaire : « Marotte de fou, amusement de femme. » Aussi ma lascive compagne, ravie en admiration et domptée par le démon de la concupiscence, me l’ôta brusquement ; puis tirant, comme on fait à un âne par le licou, Dick vers le lit, elle s’y laissa tomber à la renverse, et sans lâcher prise le guida où elle voulait. L’innocent y fut à peine introduit que l’instinct lui apprit le reste. L’homme-machine enfonça, déchira, pourfendit la pauvre Louisa, mais elle eut beau crier, il était trop tard. Le fier agent, animé par le puissant aiguillon du plaisir, devint si furieux qu’il me fit trembler pour la patiente. Son visage était tout en feu, ses yeux étincelaient, il grinçait des dents ; tout son corps, agité par une impétueuse rage, faisait voir avec quel excès de force la nature opérait en lui. Tel on voit un jeune taureau sauvage que l’on a poussé à bout renverser, fouler aux pieds, frapper des cornes tout ce qu’il rencontre, tel le forcené Dick brise, rompt tout ce qui s’oppose à son passage. Louisa se débat, m’appelle à son secours et fait mille efforts pour se dérober de dessous ce cruel meurtrier, mais inutilement ; son haleine aurait aussitôt calmé un ouragan, qu’elle aurait pu l’arrêter dans sa course. Au contraire, plus elle s’agite et se démène, plus elle accélère et précipite sa défaite. Dick, machinalement