Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/281

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gouverné par la partie animale, la pince, la mord et la secoue avec une ardeur moitié féroce et moitié tendre. Cependant Louisa à la fin supporta plus patiemment le choc, et bientôt gorgée du plus précieux morceau qu’il y ait sur terre[1], le sentiment de la douleur faisant place à celui du plaisir, elle entra dans les transports les plus vifs de la passion et seconda de tout son pouvoir la brusque activité de son chevaucheur. Tout tremblait sous la violence de leurs mouvements mutuels. Agités l’un et l’autre d’une fureur égale, ils semblaient possédés du démon de la luxure. Sans doute ils auraient succombé à tant d’efforts si la crise délicieuse de la suprême joie ne les eût arrêtés subitement et n’eût arrêté le combat.

C’était une chose pitoyable et burlesque ou plutôt tragi-comique à la fois de voir la contenance du pauvre insensé après cet exploit. Il paraissait plus imbécile et plus hébété de moitié qu’auparavant. Tantôt, d’un air stupéfait, il laissait tomber un regard morne et languissant sur sa flasque virilité ; tantôt il fixait d’un œil triste et hagard Louisa et semblait lui demander l’explication d’un pareil phénomène. Enfin, l’idiot ayant petit à petit repris ses sens, son premier soin fut de courir à son panier et de compter ses bouquets. Nous les lui prîmes tous et les lui payâmes le prix ordinaire, n’osant pas le récompenser de sa peine, de peur qu’on ne vînt à découvrir les motifs de notre générosité.

Louisa s’esquiva quelques jours après de chez Mme Cole avec un jeune homme qu’elle aimait beaucoup, et depuis ce temps je n’ai plus reçu de ses nouvelles.

Peu après qu’elle nous eut quittées, deux jeunes seigneurs de la connaissance de Mme Cole et qui avaient autrefois fréquenté

  1. Gorg’d with the dearest morsel of the earth (Shakespeare).