Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« L’amateur des dames se rendait dans ces endroits avant la comédie ou l’opéra, et, semblable au grand seigneur, il jetait son mouchoir à la sultane favorite de la nuit ; si elle le ramassait, c’était une preuve qu’elle acceptait le défi, et conformément aux lois du sérail ; elle ne voyait personne et elle lui était fidèle pour cette nuit.

« Mme Goadby, à son retour de France, commença à raffiner nos amusements amoureux et à les établir d’après le système parisien : elle meubla une maison dans le goût le plus élégant ; elle engagea les filles de joie de Londres les plus accréditées ; elle prit un chirurgien pour examiner leur salubrité et n’en recevait aucune qui, à cet égard, paraissait douteuse. Ayant apporté avec elle une grande quantité d’étoffes de soie et de dentelles des manufactures françaises, elle se trouva en état d’habiller ses vestales dans le goût le plus recherché ; elle y employa donc tous ses soins ; mais en suivant le plan des sérails parisiens, il y eut deux articles qu’elle n’observa point, l’économie des prix et l’abolition des liqueurs jusqu’au temps du souper. Mme Goadby ne recevait point les bourgeois dans son sérail, mais les personnes de rang et de fortune, dont les bourses s’ouvraient largement lorsqu’il s’agissait de satisfaire leurs passions, et à l’extravagance desquelles elle proportionnait toujours ses demandes ; aussi elle amassa en peu de temps une fortune considérable ; elle acheta des terres et elle devint, par la suite, une femme vertueuse de caractère et de réputation.

« Le succès de Mme Goadby dans sa nouvelle entreprise engagea plusieurs personnes à l’imiter dans son plan.