Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les autres pairs devaient par conséquent rendre hommage à ses charmes ; avec de pareils sentiments pouvait-elle se former l’idée d’un besoin à venir ; mais les vicissitudes de cette vie sont si extraordinaires et si peu attendues qu’elle se trouva, en peu de temps, dans cette situation. Elle se vit contrainte, pour vivre, de vendre ses bijoux, ses bagues, ses diamants et la plus grande partie de ses ajustements ; elle ne trouva plus d’admirateurs, elle se trouva enfin forcée de se soumettre à ces moyens infâmes auxquels la nécessité contraint souvent le sexe ; enfin Mme Mitchell ayant appris sa situation l’invita à venir demeurer chez elle et la persuada qu’elle y serait regardée comme une amie. Emilie avait paru avec éclat dans le grand monde, et elle était appelée le Phaéton femelle par rapport à un accident qui lui arriva au spectacle : un jour qu’elle se trouvait au théâtre de Hay-Market, la hauteur de son chapeau n’étant pas calculée à celle des girandoles, le feu y prit avec tant de violence que cet accident lui serait devenu funeste ainsi qu’aux dames qui étaient dans la même loge et qui craignaient le même événement pour leurs têtes, si M. Gln ne fût venu galamment à son secours et n’eût éteint le feu. Il préserva, au risque de sa personne, les charmes et les ajustements d’Emilie de la proie des flammes, et elle se rendit ensuite dans King’s-Place.

« Emilie est en une si haute estime pour sa beauté et la douceur de son caractère qu’elle peut exiger la somme qu’elle désire ; elle a refusé plus d’une fois un billet de banque de vingt livres sterling, parce qu’elle n’aimait point les personnes qui les lui offraient. Un certain juif très riche, qui était très passionné de la chair chrétienne, lui proposa de l’entretenir et de l’établir très avantageusement ; mais comme elle avait la plus grande aversion pour la circoncision, elle rejeta sa demande. Un certain lieutenant