Page:Cleland - Mémoires de Fanny Hill, femme de plaisir, 1914.djvu/96

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figure agréable ; elle a tout au plus dix-huit ans ; sa contenance douce et expressive indique la bonté naturelle de son caractère : elle est la fille d’un chapelain qui mourut pendant qu’elle était très jeune et qui ne lui laissa d’autre soutien qu’une fondation faite au profit, soulagement, entretien et éducation des fils et des filles des ecclésiastiques ; elle fut donc, par les fonds de cet établissement, placée apprentie chez une couturière ; elle demeura chez cette dame une partie de son apprentissage, mais le clerc d’un avocat lui fit la cour ; elle l’écouta favorablement, s’imaginant que ses desseins étaient honorables ; elle consentit de passer avec lui en Écosse. Lorsqu’ils furent en route, le clerc employa si bien la rhétorique amoureuse qu’il lui persuada d’antidater la cérémonie. Après deux nuits de pleine satisfaction, il la quitta ; elle se vit alors obligée de revenir comme elle put, se trouvant grandement mortifiée d’avoir été abusée. La nécessité où elle se trouvait la contraignit de gagner sa vie. Ayant donc cédé toutes ces prétentions à la chasteté et étant présentée chez Mme Nelson, on lui persuada aisément de suivre les avis de cette dame ; elle commença alors un nouvel apprentissage dans cette maison.

« Miss Mas…n descend d’une famille qui vivait au delà de ses revenus et qui s’imaginait qu’il n’était point nécessaire de lui amasser une dot, d’autant qu’elle avait, aux yeux de ses parents, des charmes suffisants pour se procurer un mari de rang et de fortune ; mais, hélas ! les hommes de ce siècle pensent que la beauté doit toujours être achetée quand elle est accompagnée de la pauvreté, et cette jeune personne est un exemple frappant de la vérité de cette observation.

« Mme Tur…r est la fille d’un gros marchand de drap qui, à sa mort, lui laissa une fortune assez considérable ; elle