Page:Clemenceau - Au soir de la pensée, 1927, Tome 1.djvu/469

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
462
AU SOIR DE LA PENSÉE

on nous parle d’une étoile dont la lumière a mis 217 000 ans à nous parvenir[1]. Poussées au delà de nos mesures, les précisions de nos connaissances mettent nos relativités en désarroi. Nous ébahir n’est qu’un émoi d’inadaptation.

J’ai dit les nébuleuses spirales dont on n’ose supputer le nombre et les rapprochements qu’elles suggèrent avec notre Voie Lactée[2], chacune composée de millions d’étoiles, dont la lumière a besoin de plusieurs millions d’années pour arriver jusqu’à nous. Quels débordements de ces tumultes de soleils, à des phases diverses de leur évolution en systèmes solaires où s’organiseront, se développeront la vie, la pensée ! Les phénomènes de l’extrême dilatation par le rayonnement qui abaisse la température, puis de la condensation due à l’attraction mutuelle des particules gazeuses, sont à peine entrevues. L’étoile s’échauffe à mesure qu’elle se condense. Le développement de ses phases est ouvert à toutes hypothèses. L’encombrement des astres est tel que les chocs destructeurs et fabricateurs de mondes figurent, dans le tableau, à l’état de permanence.

Avec les mêmes diversités des mêmes combinaisons, le spectroscope nous révèle que les états chimiques et par conséquent la structure atomique, sont les mêmes dans toutes les parties de l’univers. J’ai dit que Lockyer a découvert l’hélium dans le soleil vingt-six ans avant que nous l’ayons rencontré sur la terre, tandis que le coronium dans la couronne solaire et le nébulium l’un des gaz des nébuleuses, nous sont encore introuvables ici-bas.

L’étoile la plus proche (Proxima) à une distance 10 000 fois plus grande que Neptune, Sirius à 23 trillions de lieues, l’étoile polaire à 86 trillions, c’est-à-dire 86 000 milliards de lieues.

  1. M. Nordman s’enthousiasme à l’idée que la lumière qui nous vient aujourd’hui de la nébuleuse d’Andromède en serait partie avant la première période glaciaire pléistocène. Ainsi, un observateur bien placé, avec une lunette ad hoc, pourrait voir aujourd’hui les premières formations des sédiments terrestres et les développements de tout ce qui s’en est suivi. À raison des 300 000 kilomètres à la seconde, la lumière a besoin d’au moins 30 000 ans pour parcourir la Voie Lactée qui contient, osent dire quelques-uns, des centaines de millions de soleils. On nous parle de 900 millions d’années qui seraient nécessaires à ladite lumière pour faire le tour « d’un univers limité à la Voie Lactée et à ses annexes ». Et l’au-delà, je vous prie, qu’en ferons-nous ?
  2. On sait que notre soleil et toutes les étoiles que nous voyons à l’œil nu font partie de la Voie Lactée.