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LA FRANCE DÉCROÎT

de trois milliards et demi, nous allons les yeux ouverts à une irréparable catastrophe.

Maintenant, il faut tout dire. Il y a, chez le Français, des habitudes de vie, des mœurs, un état mental en un mot, qui le font verser dans l’égoïsme du célibat, ou, s’il est marié, le poussent à restreindre sa famille. L’Anglo-Saxon, jusqu’au dernier soupir, se surmène dans l’action. L’idée de retraite, de repos, d’oisiveté lui est odieuse. Il n’a pas plutôt épargné, qu’il se plaît à jeter le prix de son labeur dans quelque nouvelle entreprise, ou à le disperser pour son plaisir.

Le Français épargne pour jouir de la vie, — c’est son mot, — non de la vie active, mais de l’existence aimable de l’oisif qui se regarde vivre, et se félicite d’être. Dans ces conditions, ses enfants lui sont une charge, d’autant plus lourde qu’il prétend leur laisser un capital. Aucune pensée n’agit plus efficacement pour restreindre la famille. Pensée malheureuse, à tous les points de vue, car on ne réussit, le plus souvent, par là, qu’à détourner les enfants du travail.

L’Anglo-Saxon cherche simplement à assurer l’avenir de ses enfants, en leur mettant en main un instrument de travail. Ainsi, il développe en eux l’esprit d’entreprise, au lieu d’en faire des oisifs. La question d’héritage devenant accessoire, qu’importe à l’Anglais, à l’Américain, à l’Australien, le nombre de ses enfants ?

On ne modifiera pas aisément l’état de choses actuel dans notre pays.

Pour réagir, il n’y a pas d’autre moyen que de frapper lourdement le revenu du célibataire (j’entends d’ici les cris des réguliers comme des séculiers), et de décharger le revenu du père de famille en proportion du nombre de ses enfants. On ne peut rien attendre