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LA VIE INTIME DU MISSIONNAIRE


Est-elle assez intéressante pour qu’il vaille la peine d’en parler ? Vraiment, on pourrait se le demander ; elle est si monotone et si solitaire ! D’ordinaire, le missionnaire vit seul dans le poste à lui confié. Tout le jour, toute la semaine, il ne reçoit aucun visiteur, avec qui il puisse s’entretenir à son aise, comme on fait en famille. C’est à peine si, une fois le mois, il peut rencontrer un confrère et se procurer ainsi cette consolation légitime et même nécessaire.

Cependant, à vrai dire, ce n’est pas là précisément la vie intime du missionnaire. Cette vie est moins égoïste et plus haute. Elle se localise et se meut dans le cercle des âmes, auxquelles le missionnaire est venu se consacrer. Si elle a ses tristesses, elle a aussi ses joies.

On devine un peu ses tristesses. C’est d’abord celle que cause au missionnaire le spectacle du paganisme. Autour de lui un peuple innombrable fourmille. Or, tous ces pauvres gens vivent sans savoir pourquoi. Ils travaillent, les uns pour manger, d’autres pour s’enrichir, tous pour arracher à cette misérable vie le plus de jouissances possible.

De l’idée du vrai Dieu, rien qui s’affirme, rien qui subsiste ; on l’ignore. Avec ces païens, on ne peut parler ni de Dieu ni d’aucune chose sainte : ils ne comprennent pas, ils ne savent pas. Pour eux, la notion du divin n’est pas celle d’une puissance supérieure unique, maî-