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nostalgique venu du fond des temps et qui avait dû rythmer depuis des siècles le travail des pauvres esclaves comme lui. Et les autres, derrière lui, entamaient aussitôt la suite de la mélopée. Car, si malheureux qu’ils soient, les hommes chantent, berçant ainsi leur douleur éternelle.

Le chef fit claquer son fouet. Une dizaine de Zénagas avaient cessé de se courber vers le sol pour regarder en l’air. Des mains se levaient pour montrer quelque chose à l’horizon. C’était un avion, encore assez lointain, mais qui se rapprochait de toute la vitesse de son moteur. On entendait le grondement, étrangement sonore dans le ciel léger. Alors, un fait extraordinaire se produisit. Un des esclaves jeta son pic et, comme un fou, se mit à courir vers le grand oiseau, les bras dresses, poussant des cris inarticulés. Le chef donna un ordre bref, d’une voix gutturale, et deux esclaves se mirent à sa poursuite. En rejoignant l’homme, l’un d’eux lui allongea un croc-en-jambes qui le fit s’abattre. Alors, le traînant, le poussant, ils le ramenèrent devant le chef. Celui-ci fit signe qu’on l’étendît sur le sol ; et, levant son fouet, il en frappa durement le malheureux. Puis de nouveau, il donna un ordre. L’homme fut relevé. C’était un garçon certainement jeune, basané, le teint brûlé, avec une barbe hirsute et des cheveux longs. Sans s’inquiéter du sang qui coulait de son dos flagellé, il se remit à crier, cherchant dans le ciel l’avion qu’il avait aperçu quelques minutes auparavant. Mats, on l’entraînait et, bientôt, il disparut derrière les dunes.

Le travail reprit, au rythme du chant nostalgique. L’avion, perdant de la hauteur, venait vers le camp. Là aussi, on l’avait aperçu. Des guerriers, des forgerons, des griots couraient avec agitation. Et des enfants tout nus, dorés, poussaient des cris de joie en tendant les mains vers le jouet fabuleux qui allait leur tomber du ciel.

On s’agitait autour de la tente du chef. Tout à coup, la portière de poil de chameau qui la fermait, s’écarta