Page:Colet - Les Derniers Marquis - Deux mois aux Pyrénées - 1866.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 3 —

dataire ; nous avions été jusqu’à cent cinquante personnes à la table de l’Hôtel-de-France ; insensiblement les rangs s’étaient éclaircis, et de l’immense table en fer à cheval, un moment trop étroite pour le nombre des convives, à peine un bout restait-il occupé au déjeuner et au dîner par une dizaine d’habitués et cinq à six hôtes flottants. Parmi les premiers, on comptait deux nobles Espagnols, aux manières douces et chevaleresques ; un vieux magistrat de Pau, un employé supérieur au chemin de fer de Toulouse, un riche et ancien négociant de Bretagne qu’une affection de poitrine avait fixé dans le Midi ; un écolier dégingandé de dix-sept ans nommé Adolphe de Chaly et un très-bel Italien pâle et inanimé comme un marbre, vrai descendant d’un doge de Venise, dont la mort devait bientôt attrister Milan. Cette mort jette comme une ombre sur le récit assez gai que je vais écrire. Il y avait ensuite un petit monsieur très-correct de mise et de diction, M. Routier, riche fabricant de toile à Mulhouse, dont la femme aux allures puritaines et modestes avait conquis dès l’abord la sympathie des princesses et des grandes dames (maintenant parties) par ses déférences, sa mise simple et son soin perpétuel à s’effacer devant leur importance. Depuis que M. Routier et sa femme avaient été admis dans le cercle des princesses, ils se sentaient comme