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l’heure qu’il est, elle ne monte une cabale contre ma chère Stella. Je vous en prie, avant que la toile ne se lève, allez dans la loge de Zéphira essayer de l’apaiser. Offrez-lui même ce bouquet destiné, je le devine, à mon amie. Vous lui éviterez des coups de sifflets que toutes les fleurs de Venise ne pourraient étouffer.

J’obéis au jeune Vénitien et décidé à jouer un rôle, j’entrai gaiement dans la loge de Zéphira. Elle devint pourpre en m’apercevant, et pour éloigner le seigneur Luigi, son amant, elle lui ordonna d’aller lui quérir des oranges confites. Aussitôt que nous fûmes seuls, elle me demanda impétueusement pourquoi je l’avais abandonnée la veille.

— Vous dormiez si bien et avec tant de grâce, signorina, que vous m’avez semblé en ce moment une divinité de l’Olympe, je me suis senti indigne de vous, moi simple mortel, et je me suis retiré respectueusement en tremblant pour attendre vos ordres.

Je savais que le langage élogieux et un peu amphigourique plaisait toujours aux courtisanes.

Zéphira minauda.

— Mais, me dit-elle ensuite avec une sorte de finesse, vous voilà pourtant sans que je vous aie appelé.

— Voulez-vous que je sorte, répondis-je d’un air soumis.

— Non, car je vous attendais. Et elle ajouta plus bas : Je vous désirais. Ce beau bouquet que vous avez là, ajouta-t-elle, est sans doute pour Stella ?

— Vous voyez bien que non, puisque je l’apporte ici.