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nous trouvions encore le moyen de nous écrire nos pensées et nos projets pour les jours de sortie. Souvent il me venait en aide pour des versions de grec, et à mon tour je lui rendais le même service pour des compositions de vers français. Voyez, chère marquise, quelle franche et entière camaraderie se révèle dans ces petits billets signés par le fils d’un roi !

En me parlant ainsi, il tira de sa poche une large enveloppe contenant un grand nombre d’étroites bandes de papier-écolier qui, primitivement repliées en minces carrés, avaient passé de main en main sous les tables d’études ; les élèves transmettaient de la sorte, d’un bout de la salle à l’autre, les courtes missives du prince au poëte.

Je lus avec attendrissement quelques-uns de ses petits papiers jaunis par le temps ; ils sont restés dans mon souvenir.


« Si ta maman le permet, écrivait le prince, viens dimanche prochain à Neuilly, nous nous divertirons bien, nous irons en bateau et nous ferons une collation avec mes sœurs. »


Sur une autre bande de papier je lus :


« Dis-moi donc si ce vers est juste, je crois que j’ai fait un hiatus ; je ne serai jamais qu’un mauvais versificateur ! »