Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/179

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j’étais quelque peu troublé, quelque peu mal à mon aise. Dans mon jeune temps, je me serais révolté, je me serais irrité contre cette déraisonnable situation d’esprit. Ramené, par l’âge, à une philosophie plus sereine, je sortis paisiblement pour aller un peu prendre l’air.


II


Nous nous retrouvâmes tous à l’heure du dîner.

Sir Percival était d’une gaieté tellement bruyante, que j’avais peine à reconnaître en lui cet homme dont le tact et le sang-froid, le bon sens et la dignité aristocratiques m’avaient si vivement impressionné le matin même. Les seuls indices auxquels je pus le retrouver tel que je l’avais vu alors, étaient, çà et là, dans son attitude vis-à-vis de miss Fairlie. Un regard, un mot d’elle arrêtaient court ses plus tumultueux éclats de rire, suspendaient l’entrain de ses plus joyeux propos, et, en un instant, faisaient de lui pour elle, si ce n’est pour d’autres, un modèle d’attentions et d’égards. Sans jamais essayer de l’entraîner au courant de la causerie, jamais non plus il ne perdait la plus légère occasion qu’elle pût lui fournir de la laisser s’y engager comme par hasard, et de lui adresser, seulement alors, ainsi favorisé par les circonstances, ces paroles flatteuses qu’un homme, doué de moins de tact et de délicatesse, lui eût fait entendre, de but en blanc, à mesure qu’elles lui seraient venues. Miss Fairlie, — et j’en fus quelque peu surpris, — semblait lui savoir gré de ses attentions, sans qu’elles eussent le don de l’émouvoir. De temps en temps, lorsqu’il la regardait ou lui parlait, elle manifestait quelque confusion ; mais elle restait très-froide à son égard. Ainsi le rang, la fortune, la bonne éducation, la bonne mine, les respects d’un gentleman, joints à tout le dévouement d’un prétendu fort épris, étaient humblement déposés à ses pieds, et, selon toutes les apparences actuelles, sans espoir de les lui faire agréer.

Le lendemain, qui était un mardi, sir Percival (prenant un des domestiques pour guide), se rendit, dès le matin, à Todd’s-Corner. Ses investigations, à ce que j’appris depuis, n’amenèrent aucun résultat. À son retour il eut un entretien avec M. Fairlie, et, dans l’après-midi, sortit à cheval avec miss Halcombe. Rien autre chose n’arriva