Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/210

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d’usage en pareille matière, de faire en sorte que le mari ait un intérêt de vingt mille livres sterling à voir trépasser sa femme.

— Croyez-vous, réellement, Gilmore, qu’il se hasarderait à me tenir de pareils propos ? dit M. Fairlie. S’il osait se permettre la moitié des horreurs que je viens d’entendre, je vous certifie que je sonnerais Louis et que je le ferais reconduire à l’instant même hors du château.

— Vous ne me fâcherez pas, monsieur Fairlie ; pour votre nièce et en mémoire de son père, je ne vous laisserai pas m’irriter. Mais, avant que je sorte d’ici, vous aurez assumé toute la responsabilité de cette déshonorante concession !

— Non ! non, ne vous fâchez pas ! — n’insistez pas, dit M. Fairlie. Songez donc, Gilmore, combien votre temps est précieux. Si je le pouvais, je discuterais avec vous ; mais cela est impossible, — je n’ai pas de quoi suffire à une dispute… Vous voulez me bouleverser, vous bouleverser vous-même, bouleverser Glyde, bouleverser Laura ; et tout cela, — mon Dieu ! — tout cela pour la chose du monde qui a le moins de chance d’arriver jamais… Non, cher ami ; dans les intérêts sacrés de la paix et du calme, non, positivement non.

— Si je comprends bien, alors, vous vous en tenez à la détermination exprimée dans votre lettre ?

— Oui, si vous permettez… Charmé que nous ayons fini par nous entendre… Remettez-vous ; asseyez-vous là !…

Je me dirigeai immédiatement vers la porte, et M. Fairlie, avec une résignation parfaite, fit sonner son timbre : — avant de quitter la chambre, je me retournai, l’interpellant pour la dernière fois.

— Quoi qu’il puisse arriver à l’avenir, monsieur, lui dis-je, rappelez-vous qu’en vous avertissant, j’ai rempli mon devoir envers vous et les vôtres. Comme l’ami fidèle et l’agent dévoué de votre famille, je vous dis, en vous quittant, que jamais une fille à moi n’épouserait un homme, ici bas, avec un contrat comme celui que vous me forcez de dresser pour miss Fairlie.