m’épargne ainsi beaucoup de tapage. Je cédai encore, en cette occasion. Chère Marian !
— Faites entrer la femme de chambre de lady Glyde, Louis… Mais, un moment ! ses souliers craquent-ils ?…
Cette question m’était imposée. Des souliers qui craquent me bouleversent pour tout le reste du jour. J’étais résigné à recevoir la jeune personne, mais nullement à me laisser bouleverser par le craquement de ses souliers. Il y a des limites à tout, même à ma patience.
Louis m’affirma positivement qu’on pouvait compter sur les souliers en question. Je fis un signe de la main. La jeune personne fut introduite. Est-il nécessaire de dire qu’elle révélait son embarras intime en fermant la bouche et en respirant fortement par le nez ? Pour quiconque a étudié la nature féminine dans les rangs inférieurs de la société, cette remarque est à coup sûr inutile.
On me permettra de rendre justice à cette enfant. Ses souliers ne craquaient point. Mais pourquoi les jeunes personnes en condition transpirent-elles toutes des mains, plus ou moins ? Pourquoi ont-elles toutes de gros nez et des joues à pommettes saillantes ? et pourquoi leurs visages manquent-ils presque tous de ce qu’un sculpteur appellerait « un coup de ciseau », principalement au coin des paupières ? Je ne suis pas assez fort pour réfléchir bien profondément par moi-même sur quelque sujet que ce soit. Mais j’en appelle aux gens dont c’est le métier : pourquoi n’y a-t-il pas une certaine variété dans l’espèce des « jeunes personnes » ?
— Vous avez pour moi une lettre de miss Halcombe ? Mettez-la sur la table, je vous prie, et ne renversez rien !… Comment se porte miss Halcombe ?
— Très-bien. Je vous remercie, monsieur.
— Et lady Glyde ?…
Je ne reçus aucune réponse. Le visage de la jeune personne demeura plus ébauché que jamais, et, Dieu me pardonne ! je crois qu’elle se mit à pleurer. Je vis, du moins, quelque chose d’humide autour de ses yeux. Étaient-ce des pleurs ou de la transpiration ? Louis (que je viens de consulter) incline à penser que c’étaient des