Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/459

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impertinente, émanée d’un personnage avec lequel je n’avais eu jusque-là aucune sorte de rapports. Il se présentait comme l’associé gérant de notre homme d’affaires, — de ce bon vieux têtu de Gilmore, — et m’informait qu’il avait reçu, depuis peu, par la poste, une lettre dont l’adresse était de la main de miss Halcombe. L’enveloppe rompue, il avait reconnu, à sa grande surprise, qu’elle renfermait une simple feuille de papier blanc. Cette circonstance (elle lui suggérait, — ces esprits de légistes sont d’une inquiétude ! — que la lettre avait pu être l’objet de quelque fraude), cette circonstance suspecte l’avait déterminé à faire partir sur-le-champ un avis pour miss Halcombe, et il n’avait pas reçu la réponse qu’il attendait d’elle par le retour du courrier. Dans cette difficulté, au lieu d’agir en homme d’esprit et de laisser les choses à leur cours naturel, il avait eu l’absurde imagination, ainsi que le montrait sa lettre, de venir me tracasser, en m’écrivant pour s’informer de ce que je pouvais savoir à ce sujet. Eh ! que diable pouvais-je en savoir ? Pourquoi venir me mettre de moitié dans ses alarmes ? C’est en ce sens que je lui répondis. Ma lettre était des mieux affilées. Je ne crois pas avoir rien produit de plus finement tranchant en fait de style épistolaire, depuis que je signifiai son renvoi, par écrit à ce personnage si excessivement incommode, M. Walter Hartright.

Ma lettre produisit son effet. Je n’entendis plus parler de l’homme de loi.

Ceci n’était peut-être pas autrement surprenant. Mais ce qui fut réellement à noter, c’est qu’il ne me parvint aucune nouvelle lettre de Marian, et qu’aucun signe précurseur ne m’annonça son arrivée. Son absence imprévue me fit un bien miraculeux. Il était si calmant, si agréable d’en tirer cette conclusion (naturellement elle s’offrit à moi), que mes parents mariés étaient parvenus à se réconcilier. Cinq journées de tranquillité parfaite, de délicieux isolement, me rendirent tout à fait à moi-même. Le sixième jour, je me sentis assez fort pour envoyer chercher un photographe et lui faire continuer son travail, ces copies de mes trésors d’art que je