Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/460

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compte offrir à notre chef-lieu de comté pour développer le goût public, je l’ai déjà dit, en ce pays de barbares. Je venais de le renvoyer dans son atelier, et commençais justement à m’amuser avec mes médailles, lorsque Louis apparut tout à coup, une carte au bout de ses doigts.

— Encore une jeune personne ? m’écriai-je. Je ne la veux point voir. Dans mon état de santé, les jeunes personnes ne me vont point. Dites que je n’y suis pas !

— Cette fois, monsieur, c’est un gentleman…

Naturellement, ceci faisait une différence. Je jetai les yeux sur la carte.

Bonté divine ! C’était l’étranger qu’a épousé mon ennuyeuse sœur ; c’était le comte Fosco !

Est-il nécessaire de dire quelle fut ma première impression, lorsque je déchiffrai la carte de mon visiteur. Non, bien certainement. Ma sœur ayant épousé un étranger, il n’y avait guère, pour un homme sensé, qu’une seule conjecture à former. Le comte, sans nul doute, venait m’emprunter de l’argent.

— Louis, hasardai-je, pensez-vous qu’il s’en irait si vous lui donniez cinq shillings de ma part ?…

Louis parut tout à fait choqué. Il m’étonna au delà de toute expression, en déclarant que le mari étranger de ma sœur avait une mise splendide et offrait l’image de la prospérité. Vu ces circonstances spéciales, ma première impression fut, jusqu’à un certain point, modifiée. J’admis, dès lors, comme à peu près certain, que le comte avait de son côté, quelques difficultés matrimoniales, et qu’il était venu, à l’instar du reste de la famille, pour m’en imposer le fardeau.

— A-t-il parlé de l’affaire qui l’amenait ? demandai-je.

— Le comte Fosco a dit qu’il était venu ici, monsieur parce que miss Halcombe se trouvait hors d’état de quitter Blackwater-Park…

Encore des inquiétudes, selon toute apparence. Pas précisément celles de cet homme, ainsi que je l’avais