Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/627

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— Vous savez sans doute, mistress Clements, pourquoi sir Percival Glyde l’y avait fait enfermer.

— Je n’en sais, monsieur, que ce qu’Anne elle-même m’en a dit. La pauvre enfant, là-dessus, divaguait et déraisonnait à faire peine. Elle disait que sa mère, ayant à garder je ne sais quel secret de sir Percival, le lui avait laissé connaître un jour, longtemps après mon départ du Hampshire, et que sir Percival, découvrant qu’elle était au fait de ce mystère, l’avait aussitôt fait emprisonner. Mais quand je lui demandai de quoi il s’agissait, jamais elle ne put me le dire. Tout ce que je tiens d’elle, c’est que sa mère, si elle le voulait, pourrait ruiner sir Percival et le détruire de fond en comble. Mistress Catherick avait fort bien pu dire cela, et ne pas en dire plus long. Je suis à peu près certaine qu’Anne m’aurait mise au courant de toute la vérité, si, comme elle le prétendait, — et comme elle se le figurait bien certainement, la pauvre âme ! — elle l’avait réellement connue…

La même idée s’était déjà offerte plus d’une fois à mon esprit ; j’avais dit à Marian, on l’a vu, que je ne savais si Laura était, au vrai, sur le point de faire quelque découverte importante, le jour où le comte Fosco était venu les déranger, elle et Anne Catherick, dans le petit embarcadère au bord du lac ; — l’infirmité mentale de cette dernière rendant tout à fait naturel qu’elle se figurât posséder absolument le secret, sans autre raison qu’un soupçon vague, puisé dans quelque insinuation imprudemment hasardée devant elle par sa mère. En ce cas, la méfiance que sir Percival puisait dans le sentiment de son crime avait dû lui inspirer l’idée parfaitement fausse qu’Anne Catherick avait tout su de sa mère ; absolument de même que, dans la suite, il avait conçu le soupçon, tout aussi erroné, que sa femme savait tout de la bouche d’Anne Catherick.

Le temps s’écoulait ; la matinée allait finir. Je ne voyais aucune certitude, en restant plus longtemps, d’apprendre par mistress Clements quelque chose de plus qui pût servir à mes projets. J’avais déjà éclairci ces détails de lieux et de famille, se rapportant à mistress