Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/708

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bouche, et de révéler son secret. » Je n’en dis pas davantage là-dessus, rappelée à moi, dès que ces paroles m’eurent échappé, par un regard jeté sur le visage de ma fille, qui me contemplait en ce moment avec une avide curiosité. Je la fis aussitôt sortir de la chambre, pour n’y rentrer que lorsque je serais calmée.

Je ne me sentis pas à mon aise, vous pouvez m’en croire, quand je vins à réfléchir sur ma conduite insensée. Ma fille, cette année-là, s’était montrée particulièrement déraisonnable et bizarre, et lorsque j’envisageais comme possible qu’elle en vînt à répéter par la ville mes imprudentes paroles, — à nommer même celui que j’avais ainsi maltraité, si, par hasard, des gens curieux venaient à la presser là-dessus, — j’eus la plus grande peur des conséquences que tout cela pouvait entraîner. Mes pires craintes pour moi-même, ma plus vive anxiété sur ce que pourrait faire le personnage en question n’allèrent pas au delà. Je n’étais nullement préparée à ce qui arriva réellement, et dès la journée suivante.

Ce jour-là, sans m’avoir aucunement avertie que j’eusse à l’attendre, il vint à la maison.

Ses premières paroles, et le ton sur lequel il les prononça, bien que ce fût assez aigrement, me firent comprendre de suite qu’il se repentait déjà de son insolente réponse, et qu’il venait, de fort mauvaise humeur, tâcher de replacer nos relations sur un bon pied avant qu’il ne fût trop tard. Trouvant ma fille avec moi dans ma chambre (je ne m’étais pas souciée de la perdre de vue, après ce qui s’était passé la veille), il lui enjoignit de se retirer. Ils ne s’aimaient guère l’un l’autre ; et il déchargeait sur elle, en ce moment, la mauvaise humeur qu’il n’osait me témoigner.

— Laissez-nous ! dit-il en la regardant du haut en bas. Elle le toisa, elle aussi, par-dessus son épaule, et ne bougea non plus qu’une souche. — M’entendez-vous ? cria-t-il ; sortez de la chambre !… — Parlez-moi plus poliment ! répondit-elle, rougissant un peu. — Mettez cette idiote à la porte ! reprit-il en s’adressant à moi. Elle avait toujours eu de folles préoccupations au sujet de sa di-