Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/827

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train du matin. J’arrivai à Limmeridge-House dans l’après-midi.

Ma femme et Marian étaient toutes deux en haut. Elle, s’étaient établies (sans doute pour augmenter encore ma surprise), dans la petite chambre qui m’avait, jadis, été assignée pour atelier, lorsque je travaillais aux dessins de M. Fairlie. Sur la chaise même qui me servait habituellement, Marian était maintenant assise, et, sur ses genoux, l’enfant tétait assidûment son hochet de corail, — tandis que Laura, debout auprès de cette table à dessin que je me rappelais si bien, tenait ouvert sous sa main le petit album qu’autrefois j’avais rempli pour elle-même. Au nom du ciel ! demandai-je, qui a pu vous donner l’idée de venir ici ? M. Fairlie, au moins, en est-il informé ?…

Marian arrêta la question sur mes lèvres, en m’apprenant que M. Fairlie était mort. Subitement atteint de paralysie, on n’avait pu lui faire reprendre connaissance, M. Kyrle les avait avisées de son décès, et leur avait recommandé de se rendre immédiatement à Limmeridge-House.

Le pressentiment de quelque grande métamorphose commençait à poindre dans mon esprit. Laura prit la parole, avant que j’eusse tout à fait débrouillé mes idées à ce sujet. Elle se glissa auprès de moi pour jouir de la surprise qu’exprimait encore ma physionomie.

— Mon bien-aimé Walter, dit-elle, avons-nous réellement à nous excuser d’être si témérairement venues ici ? Alors, mon ami, je crains bien d’être obligée, contre toutes nos règles, à faire allusion au passé.

— Vous n’êtes nullement obligée à rien de pareil, dit Marian. Nous nous expliquerons tout aussi clairement, et d’une manière beaucoup plus intéressante, en nous reportant vers l’avenir. Elle quitta sa chaise, et soulevant l’enfant qui se démenait en gazouillant dans ses bras : — Savez-vous, Walter, qui est ce jeune homme ? me demanda-t-elle, les yeux débordant de larmes ; mais c’étaient des larmes de joie.

— Mon étourdissement lui-même a ses limites, lui