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À MON RETOUR DE L’ÉCOLE

tout près quantité de cailloux. Je me mis à le garocher et lui tirai ainsi des cailloux pendant quelques minutes, sans plus d’effet apparent que de l’irriter, et le faire prendre le côté de la mer. Celle-ci était à peu près basse et les crans étaient à sec jusqu’à une centaine de verges de là, je remarquai qu’il avait de la difficulté à passer sur ces crans. N’étant pas bien loin de la maison, je me décidai à aller au pas de course chercher mon fusil. À mon grand désappointement le fusil n’était pas là. Mon père, ayant eu l’occasion de sortir avec mon frère et Simard, l’avait emporté. Pour toute réponse à ma mère qui me demandait ce que voulait dire tout ce tremblement, je ne fis qu’un saut du côté d’une pile de bois, je saisis une hache et repartis.

Le loup-marin était rendu à à peu près mi-chemin entre la grève et la mer et se trouvait encore sur les crans. Il n’y avait pas de varech, autrement il eut eu l’avantage sur moi. De suite, je l’attaquai. Il devint furieux, se dressa sur ses quatre pattes-nageoires (flippers) chargeant rageusement de son long cou dans ma direction. Sa crête (hood) qui s’était gonflée, lui donnait un air terrible ; chaque fois que je m’approchais de lui, il se tournait pour me faire face. Parfois je pus lui asséner un coup de taillant de hache sur la tête, et je finis par l’étourdir ; alors ce fut vite fait, j’en eus raison.

J’ai grand regret de ne pas avoir connu mieux dans le temps ; j’aurais dû prendre les mesures de ce spécimen. Il avait assurément douze pieds de longueur ; malgré que ce ne fut pas un animal de beaucoup d’embonpoint, le gras seul pesa six cents livres, représentant un rendement de quarante-cinq gallons d’huile. D’après ce que j’ai appris depuis, au sujet des loups-marins, celui-ci devait avoir environ quatorze cents livres comme poids total. Il avait été