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Page:Compain - La vie tragique de Geneviève, 1912.pdf/227

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LA VIE TRAGIQUE DE GENEVIÈVE

l’imagination de Marguerite évoque la vision d’une Geneviève étouffée entre les murs d’une mansarde et qui coud, qui coud sous la lampe, jusqu’à ce que ses yeux se ferment, parce qu’un petit être aura faim demain, si elle n’a pas cousu assez longtemps !

D’un geste douloureux, la jeune fille repousse les chemises neuves, puis elle les reprend, hésite. Emportera-t-elle ce linge qui vient de lui présenter une image aussi atroce, qui fait presque couler ses larmes ? Elle le repousse encore. Puis soudain, elle se résout à le prendre avec elle. Elle portera ces chemises ; elles attiseront sur sa chair le désir torturant de retrouver la sœur enfuie ; leur morsure lui criera l’appel incessant des sœurs inconnues qui gagnent leur pain à la sueur de tout leur pauvre corps. Mais jamais plus elle n’en achètera de semblables ; elle se refuse pour l’avenir, au remords de s’associer par des achats inconscients à l’exploitation qu’un examen si facile vient de lui révéler !

Et demain, dans l’affairement du départ, demain dans la joie de contenter ses yeux au