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PHYSIONOMIES DE SAINTS

ple, la lutte recommençait sans cesse plus acharnée, plus féroce. La tyrannie des grands et l’envie des petits avaient rendu tout gouvernement impossible.

Du haut en bas de la péninsule, l’anarchie triomphait.

« Ta prévoyance est bien subtile, disait Dante à Florence, mais ce que tu as filé en octobre ne peut durer jusqu’à la mi-novembre ».

Dans ces glorieuses cités, dont l’histoire vaut celle des grands empires, au conseil de la commune comme sur la place publique, les citoyens se dévoraient. C’étaient, dans tous les gouvernements, les mêmes discordes, et les clameurs de ces divisions intestines réveillaient toujours la sanglante émeute dans les rues.

De nos jours, on ne saurait se faire une idée de la force, de la ténacité des haines de famille à cette époque. Il n’était pas rare de voir un mourant léguer solennellement sa haine à ses fils, exiger d’eux de criminels serments. Ces serments de vengeance homicide se transmettaient souvent de génération en génération. Le faux point d’honneur flétrissait l’homme qui épargnait son ennemi. En pardonnant, un gentilhomme aurait cru souiller à jamais son blason. Ce venin mortel de la haine gagnait jusqu’à l’âme des prêtres.

L’Église a vu des jours plus sombres, plus mauvais que ceux qu’elle traverse aujourd’hui, elle a été plus cruellement éprouvée. Aujourd’hui, ses malheurs lui viennent de ses ennemis. Au xive siècle, la cause de ses malheurs, elle l’avait en elle-même. Le sel de la terre s’était affadi. La justice, la pudeur, la charité avaient déserté le sanctuaire et, dans son amère douleur, la sainte s’écriait :

« Je vois la religion chrétienne tomber dans la mort… je vois les ténèbres obscurcir la lumière ».

« Jamais l’Église de Dieu n’a eu plus besoin de secours ; jamais le monde n’a été plus rempli de vices ; tout est corrompu et on ne trouve à reposer sa tête qu’en Jésus crucifié.

« Nous voyons de nos yeux misérables, la sainte