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SAINTE AGNÈS

la menaça-t-il pas de la mort. Mais à cette noble enfant, rayonnante de beauté et d’innocence, il eut la lâcheté de dire :

» — Si tu ne sacrifies à nos dieux, je te ferai traîner aux lieux infâmes ; là, au déshonneur de tes ancêtres et au tien, tu seras abandonnée à tous les outrages. Aie donc pitié de toi-même, sacrifie à Vesta ou…

— Ne vous échauffez pas davantage, ô préfet, répondit tranquillement Agnès. Je ne sacrifierai pas à vos dieux. Je suis entre vos mains, mais je me confie au Christ, à qui je suis consacrée… Vous ne connaissez pas sa puissance… Il saura me défendre et je ne serai point profanée ».

Pour toute réponse, l’odieux préfet ordonna de lui enlever ses vêtements.

Il se trouva des exécuteurs de cet ordre, mais — ô prodige !… à mesure que ces indignes mains arrachaient à la jeune fille ses habits, ses cheveux croissaient, s’abaissaient, se répandaient autour d’elle en flots pressés, épais, magnifiques, et mieux qu’aucun vêtement dérobaient son beau corps à tous les regards.

Conduite aux lieux infâmes, elle y trouva un ange qui l’y attendait pour la protéger. Lorsqu’elle entra dans la chambre préparée comme un tombeau à son innocence, la sainte enfant disparut dans une éblouissante clarté. Un vêtement blanc lui fut apporté du ciel et, paisible, comme dans un temple sacré, elle se mit en prières.

Le fils du préfet ayant osé l’approcher fut renversé raide mort par l’ange. Mais, touchée de la douleur de son père, la sainte le ressuscita et le jeune homme, sortant de la maison, se mit à parcourir la ville de Rome, criant : « Il n’est point d’autre Dieu au ciel et sur la terre que le Dieu des chrétiens ».

Témoin de tant de merveilles, le préfet eut bien voulu sauver la vie d’Agnès, mais le peuple soulevé par les prêtres des idoles demandait sa mort à grands cris. Il n’osa braver la fureur populaire et se retira lâchement, chargeant son lieutenant de la cause.