Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
381
ÉLOGE DE FRANKLIN.


lesse, jouir ensemble de leur gloire, et se féliciter de leur triomphe.

Encouragé par la confiance de ses concitoyens, Franklin crut pouvoir se livrer à des vues d’une exécution plus difficile, mais d’une utilité plus directe. Au moyen de souscriptions libres qu’il proposait, et auxquelles, grâce à la sagesse de ses plans, tous s’empressèrent de concourir, Philadephie eut une bibliothèque publique, un hôpital, une chambre d’assurance contre les incendies, un collège et bientôt une académie. Quand il donnait le projet d’un établissement, il évitait soigneusement de s’en attribuer l’idée. L’expérience lui avait prouvé combien il importe au succès de ne pas mettre les petitesses de l’amour-propre en concurrence avec le zèle du bien public. Tout homme qui veut influer sur l’opinion marche entre l’enthousiasme et l’envie ; et sachant combien il est difficile de soutenir l’enthousiasme ou de le conduire, il préférait de désarmer l’envie, même aux dépens de sa gloire.

Il s’était formé une méthode à l’aide de laquelle on pouvait espérer de parvenir à se rendre meilleur, au moyen d’un petit nombre de règles dont l’observation journalière devait détruire insensiblement ces habitudes de la faiblesse et des passions qui nuisent au bonheur et corrompent la morale, et donner ensuite à la sagesse et à la vertu toute la force d’un penchant naturel. Il savait que l’économie, un travail réglé, une vie simple, en contribuant au bonheur personnel, éloignent l’intérêt ou la tentation de troubler celui d’autrui, et que la paix