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ÉLOGE DE FRANKLIN.


de l’âme, qui en est la suite, rend les vertus faciles. Il avait observé que celui qui, dans sa conduite de tous les jours, indifférent au bien on au mal, s’abandonne à l’empire des circonstances et de la coutume, ne peut être sûr de lui-même, dans les moments où ses devoirs lui imposent des sacrifices. L’âme, comme l’intelligence, se perfectionne, se fortifie, s’épure par un exercice continuel. Mais le système général des êtres offre à l’esprit une carrière immense, où il peut agir avec liberté, varier ses efforts, où son activité trouve un aliment toujours nouveau, toujours inépuisable. L’exercice des facultés morales, au contraire, est soumis aux événements, aux circonstances de chaque jour, et il faut une sorte d’art pour en faire naître les moyens de développer, d’étendre ces facultés, d’en augmenter l’énergie.

De ces préceptes capables d’améliorer l’individu qui les prendrait pour règle de conduite, Franklin s’éleva bientôt à l’idée d’une institution destinée au perfectionnement moral de l’espèce humaine. Il avait formé le plan d’une association répandue sur toute la terre, dont chaque membre en ferait l’objet spécial de ses travaux et de sa vie. Elle devait être composée de jeunes gens, dont l’âme plus pure, plus flexible, est capable de plus d’efforts, et dont la raison naissante peut s’allier avec la docilité et l’enthousiasme, sans s’affaiblir et sans s’égarer. C’était le projet que Pythagore avait conçu et même exécuté il y a plus de deux mille ans, mais avec des moyens opposés. Le philosophe grec voulait, par la