Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/192

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chimérique qu’il le paraît au premier coup d’œil, de croire que la culture peut améliorer les générations elles-mêmes, et que le perfectionnement dans les facultés des individus est transmissible à leurs descendants. L’expérience semble même l’avoir prouvé. Les peuples qui ont échappé à la civilisation, quoique entourés de nations éclairées, ne paraissent point s’élever à leur niveau au moment même où des moyens égaux d’instruction leur sont offerts. L’observation des races d’animaux asservies aux besoins de l’homme semble encore offrir une analogie favorable à cette opinion. L’éducation qu’on leur donne ne change pas seulement leur taille, leur forme extérieure, leurs qualités purement physiques ; elle paraît influer sur les dispositions naturelles, sur le caractère de ces races diverses.

Il est donc assez simple de penser que si plusieurs générations ont reçu une éducation dirigée vers un but constant, si chacun de ceux qui les forment a cultivé son esprit par l’étude, les générations suivantes naîtront avec une facilité plus grande à recevoir l’instruction et plus d’aptitude à en profiter. Quelque opinion que l’on ait sur la nature de l’âme, ou dans quelque scepticisme que l’on soit resté, il serait difficile de nier l’existence d’organes intellectuels intermédiaires nécessaires même pour les pensées qui semblent s’éloigner le plus des choses sensibles. Parmi ceux qui se sont livrés à des méditations profondes, il n’en est aucun à qui l’existence de ces organes ne se soit manifestée souvent par la fatigue qu’ils éprouvent. Leur degré de force ou de flexibilité, quoiqu’il ne soit