Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/211

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au droit d’élever eux-mêmes leurs familles. Par une telle institution qui, brisant les liens de la nature, détruirait le bonheur domestique, affaiblirait ou même anéantirait ces sentiments de reconnaissance filiale, premier germe de toutes les vertus, on condamnerait la société qui l’aurait adoptée à n’avoir qu’un bonheur de convention et des vertus factices. Ce moyen peut former, sans doute, un ordre de guerriers ou une société de tyrans ; mais il ne fera jamais une nation d’hommes, un peuple de frères.

3o Parce qu’une éducation publique deviendrait contraire à l’indépendance des opinions.

D’ailleurs, l’éducation, si on la prend dans toute son étendue, ne se borne pas seulement à l’instruction positive, à l’enseignement des vérités de fait et de calcul, mais elle embrasse toutes les opinions politiques, morales ou religieuses. Or, la liberté de ces opinions ne serait plus qu’illusoire, si la société s’emparait des générations naissantes pour leur dicter ce qu’elles doivent croire. Celui qui en entrant dans la société y porte des opinions que son éducation lui a données n’est plus un homme libre ; il est l’esclave de ses maîtres, et ses fers sont d’autant plus difficiles à rompre, que lui-même ne les sent pas, et qu’il croit obéir à sa raison, quand il ne fait que se soumettre à celle d’un autre. On dira peut-être qu’il ne sera pas plus réellement libre s’il reçoit ses opinions de sa famille. Mais alors ces opinions ne sont