Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisent pour remplir leur devoir relativement à l’instruction publique. Ils ne doivent pas se borner à ne pas mettre obstacle aux lumières qui pourraient conduire les citoyens à des vérités contraires à leur opinion personnelle ; il faut qu’ils aient la générosité, ou plutôt l’équité de préparer eux-mêmes ces lumières.

Dans les gouvernements arbitraires, on a soin de diriger l’enseignement de manière qu’il dispose à une obéissance aveugle pour le pouvoir établi, et de surveiller ensuite l’impression et même les discours, afin que les citoyens n’apprennent jamais rien qui ne soit propre à les confirmer dans les opinions que leurs maîtres veulent leur inspirer. Dans une constitution libre, quoique le pouvoir soit entre les mains d’hommes choisis par les citoyens, et souvent renouvelés ; que ce pouvoir semble dès lors se confondre avec la volonté générale ou l’opinion commune, il n’en doit pas davantage donner pour règle aux esprits les lois qui ne doivent exercer leur empire que sur les actions ; autrement il s’enchaînerait lui-même, et obéirait pendant des siècles aux erreurs qu’il aurait une fois établies. Que l’exemple de l’Angleterre devienne donc une leçon pour les autres peuples : un respect superstitieux pour la constitution ou pour certaines lois auxquelles on s’est avisé d’attribuer la prospérité nationale, un culte servile pour quelques maximes consacrées par l’intérêt des classes riches et puissantes y font partie de l’éducation, y sont maintenus pour tous ceux qui aspirent à la fortune ou au pouvoir, y sont devenus une sorte de religion