Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/264

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peut-être leur bonne foi dans leur croyance n’excuse-t-elle pas la témérité de la donner à un autre, avant qu’il soit en état de la juger ; mais ce n’est pas là une de ces violations directes du droit naturel, commun à tout être sensible, contre lesquelles les lois de la société doivent protéger l’enfance, en la défendant de l’autorité paternelle.

Il ne faut pas même lier l’instruction de la morale aux idées générales de religion. Quel homme éclairé oserait dire aujourd’hui, ou que les principes qui règlent nos devoirs n’ont pas une vérité indépendante de ces idées, ou que l’homme ne trouve pas dans son cœur des motifs de les remplir, et soutenir en même temps qu’il existe une seule opinion religieuse contre laquelle un esprit juste ne puisse trouver des objections insolubles pour lui ? Pourquoi appuyer sur des croyances incertaines des devoirs qui reposent sur des vérités éternelles et incontestées ? Et qu’on ne dise pas qu’une telle opinion est irréligieuse ! jamais, au contraire, la religion ne deviendrait plus respectable qu’au moment où elle se bornerait à dire : Vous connaissez ces devoirs que vous impose la raison, auxquels la nature vous appelle, que vous conseille l’intérêt de votre bonheur, que votre cœur même chérit dans le silence de ses passions : eh bien, je viens vous proposer de nouveaux motifs de les remplir ; je viens ajouter un bonheur plus pur au bonheur qu’ils vous promettent, un dédommagement aux sacrifices qu’ils exigent quelquefois ; je ne vous donne pas un joug nouveau ; je veux rendre plus léger celui que la nature vous