Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/284

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deux maisons d’éducation où l’on élève aux dépens de la nation un nombre déterminé de ces enfants. En effet, on doit établir une de ces maisons pour chaque sexe : c’est dans l’instruction seule et non dans l’éducation qu’il peut être utile de les réunir. Il serait bon que ces maisons pussent être ouvertes aux enfants entretenus par leurs parents ; non seulement on diminuerait par là les frais de ces établissements, mais c’est le seul moyen qu’ait la puissance publique d’influer sur l’éducation, sans attenter à l’indépendance des familles ; de présenter un modèle d’institution, sans lui donner une autre autorité que celle de ses principes et de ses succès ; de prévenir la charlatanerie, les idées exagérées ou bizarres qui pourront corrompre les maisons particulières d’institution, sans cependant y gêner la liberté. Mais comment confondre ces enfants sans s’exposer aux effets funestes d’une distinction humiliante entre les élèves qui payent et ceux qui ne payent point ? Si autrefois on est parvenu à s’en garantir dans les maisons où l’on exigeait des preuves, c’est que l’orgueil de la richesse était sacrifié à celui de la naissance, et que ce sacrifice était même une des maximes de la vanité de la noblesse : mais il ne faut pas croire qu’il puisse en être de même de l’orgueil qu’on attacherait au respect pour l’égalité naturelle. Ce sentiment qu’affectent aujourd’hui jusqu’au dégoût les hommes les moins faits pour l’avoir dans le cœur, ne sera de longtemps à la portée des âmes vulgaires. Quand il ne peut être encore l’ouvrage de l’éducation et de l’habitude d’obéir à des lois éga-