Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/285

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les, il n’appartient qu’à cette conscience profonde de la vérité, l’une des plus douces récompenses de ceux qui se dévouent à la chercher, à ce sentiment d’une grandeur personnelle qui accompagne le génie et surtout la vertu. Mais il est un autre moyen d’éviter l’inconvénient de ce mélange de l’enfant du riche avec celui du pauvre. Le but principal de la dépense que s’impose alors une nation est de développer les talents dont on prévoit l’utilité. Ce n’est point une famille qu’on veut secourir ou récompenser, c’est un individu que l’on veut former pour la patrie. On peut donc y appeler également tous les enfants, et confondre par là un honneur avec un secours ; alors cette institution d’enfants élevés aux dépens de l’État devient un moyen d’émulation, et d’une émulation qui ne peut être nuisible.

En effet, on ne doit pas préférer seulement ceux qui ont montré de la facilité, mais ceux qui ont paru y joindre de l’application, un caractère heureux et les bonnes qualités de leur âge. Or, il n’est pas dangereux d’inspirer aux enfants le désir d’être préférés par la réunion de tous ces avantages. Un prix qu’un enfant hautain, vicieux, inappliqué, peut remporter par quelques efforts, n’est qu’un encouragement corrupteur qui apprend à préférer l’esprit à la vertu, les applaudissements à l’estime, le bruit des succès à l’orgueil de les mériter. Il n’en serait pas de même de celui qui ne récompenserait d’autres qualités involontaires qu’un degré un peu supérieur de facilité et d’intelligence, et qui apprendrait à sentir de bonne heure combien il importe de mé-