Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi longtemps que les sciences, quand même la puissance publique égarée refuserait de l’adopter et de profiter de ses lumières. Il ne s’agit donc point de créer, de conserver à un corps le privilège exclusif de la science, mais de la reconnaître, de l’encourager dans le corps où elle existe, où elle doit exister toujours, quand une fois elle y a été réunie. Et elle doit y exister toujours, parce que l’amour-propre de ceux qui le composent les porte constamment à s’associer les hommes qui ont le plus de talents, et que l’amour-propre de ceux qui n’y sont pas encore admis, leur fait désirer de se trouver sur la liste où se lisent les noms les plus célèbres[1].

Ce n’est donc point à leurs règlements, à l’esprit particulier de celles qui existent, aux lumières ou aux vertus de leurs membres, que les sociétés savantes doivent cet avantage ; c’est à la nature même de leurs travaux. Si elles ont une bonne constitution, c’est-à-dire, une constitution qui les rappelle sans cesse à leur objet, elles conserveront leur esprit plus longtemps, plus complètement. On ne doit pas s’effrayer de l’exemple des anciennes corporations, investies d’une profession exclusive, chargées du maintien d’une doctrine consacrée par la loi ou par la religion. Tout devait naturellement y tendre à fortifier l’esprit du corps, comme dans les sociétés savantes tout, au contraire, tend à le détruire.

  1. L’académie dispersée, qui vient de se former en Italie, est une preuve de cette vérité.