Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/315

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nombreuse de ces gens qui, ignorant même ce que peut être une science, s’irritent de la seule idée qu’un autre homme ait la prétention de connaître ce qu’ils ignorent ; haïssent dans les savants la supériorité de lumières autant que la gloire, et ne pardonnant aux sciences, que ces applications faciles qui ne supposent aucune supériorité, favorisent ceux qui se vantent d’avoir fait des découvertes sans rien savoir, parce qu’ils les voient plus près d’eux, parce qu’ils sont les ennemis de leurs ennemis, parce que, enfin, ils recherchent leurs suffrages que les vrais savants dédaignent.

Les sociétés savantes n’ont pas eu besoin de la puissance publique pour se former ; elle les a reconnues et ne les a pas créées. L’Académie des sciences de Paris existait chez Carcavi ; la société de Londres, chez Oldenbourg ; elles étaient l’une et l’autre l’assemblée des hommes les plus célèbres de chaque nation, et elles le sont encore. Adoptées par les rois, elles ont continué d’être ce qu’elles avaient été, ce qu’elles seraient restées sans eux. Les règlements, souvent contraires à la liberté, imposés à quelques-unes de ces sociétés, n’en ont pas changé l’esprit, et il durera tant que leur mobile sera le même ; tant qu’il sera, non une telle vue d’utilité publique, non l’encouragement de tel art nécessaire, mais le besoin naturel aux hommes nés pour la vérité, de s’avancer sans relâche dans la route qui y conduit.

L’association des hommes les plus éclairés d’un pays étant une fois formée, qu’elle l’ait été par leur seule volonté, ou que l’autorité l’ait établie, elle subsistera