Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/328

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mier rang pour l’instruction qu’il n’est pas indispensable d’étendre à tous les enfants, et cependant voilà celle qu’on propose de faire payer ; car il paraît convenu que l’instruction nécessaire à tous doit être gratuite ; 2° le principe de faire contribuer aux charges publiques à proportion du revenu n’est pas seulement fondé sur ce que le plus riche a un intérêt plus grand au maintien de la société, mais aussi sur ce que des sommes égales ont réellement pour lui une moindre importance ; 3° l’intérêt public demande que l’on égalise les charges que le hasard peut rendre trop disproportionnées ; tous gagneraient à l’égale distribution d’une charge qui serait aujourd’hui pour une famille le tiers du revenu de son chef, et qui pour la génération suivante n’en serait que le trentième ; tandis que, pour une autre famille, elle suivrait une marche inverse. Il y a plus d’avantage pour la société si, sur cent familles qui ont des fortunes égales, chacune paye pour l’instruction de deux enfants, que si quelques-unes ne payaient rien, tandis que d’autres payeraient pour l’instruction de dix. En général, dans toutes les dépenses utiles à la généralité des citoyens, si les causes qui produisent une disproportion dans le besoin que chacun a de ces dépenses ne sont pas volontaires, la justice, le bien général demandent de les soustraire aux inégalités que le hasard peut produire. On parle de l’émulation que pourrait produire entre les maîtres le désir de multiplier leurs écoliers ; mais cette émulation, fondée sur un motif de profit, est-elle au nombre des sentiments qu’il est bon d’exciter en eux ? Vous vou-