Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/343

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prouve pas qu’avec une méthode moins imparfaite il n’eût pas recueilli huit pour un de cette terre, qu’il n’eût pas retiré un intérêt plus grand de ses avances.

D’ailleurs, si une manufacture acquiert un degré de perfection de manière à pouvoir donner des choses d’un service égal à un plus bas prix, ou d’un service meilleur à un prix égal, elle détruit les autres manufactures qui ne peuvent soutenir sa concurrence, parce qu’elle-même peut étendre son travail presque indéfiniment. Mais dans l’agriculture, le terme qu’on peut atteindre est presque toujours, surtout dans les premiers moments, très près de celui dont on est parti ; les augmentations sont proportionnelles à l’étendue du territoire de ceux qui ont adopté les méthodes nouvelles ; et jusqu’au moment où elles commencent à devenir générales, ceux qui les ont dédaignées n’éprouvent qu’une perte peu sensible, et n’ont qu’un faible intérêt à sortir de leur routine. Il y a donc peu d’arts qui aient autant besoin de se perfectionner, et qui demandent davantage que la pratique en soit fondée sur des observations suivies et sur des expériences bien faites.

Si, en général, on ne s’y conduit que par une routine aveugle ; si l’intérêt d’augmenter sa fortune l’emporte difficilement sur l’habitude ; si, comme il serait facile d’en citer des exemples, celui même de la conservation de la vie ne peut en triompher, c’est encore moins par préjugé ou par paresse que par l’incertitude de l’utilité des innovations. Un homme peu éclairé, incapable de distinguer une vérité prou-