Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/429

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Un ami de la liberté ne voyait dans Charlemagne que le chef d’un peuple libre ; un historiographe en faisait un souverain absolu. Des histoires de France, écrites par un parlementaire, par un prêtre ou par un pensionnaire de la cour, paraissent à peine celle d’un même peuple. Ces deux causes ont bien plus contribué à l’insipidité de nos histoires que la différence des événements, des mœurs et des caractères. Voltaire même, le premier des historiens modernes, si grand dans la partie morale de l’histoire, n’a pu, dans la partie politique, s’abandonner à son génie. Forcé de ménager un des ennemis de l’espèce humaine pour avoir le droit d’attaquer l’autre avec impunité, il écrasa la superstition, mais il n’opposa au despotisme que le cri de l’humanité et les règles de la justice personnelle ; il lui reproche ses crimes, mais il laisse en paix reposer entre ses mains royales le pouvoir de les commettre.

Il nous faut donc une histoire toute nouvelle, qui soit surtout celle des droits des hommes, des vicissitudes auxquelles ont été partout assujetties et la connaissance et la jouissance de ces droits ; une histoire où, mesurant d’après cette base unique la prospérité et la sagesse des nations, l’on suive chez chacune les progrès et la décadence de l’inégalité sociale, source presque unique des biens et des maux de l’homme civilisé.


Choix des maîtres.


Je n’entrerai dans aucun détail sur la distri-