Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/446

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rendues à l’indépendance, l’humanité consolée des outrages de l’orgueil et de la barbarie ; plaignons-les de ne pas éprouver un plaisir nouveau à respirer un air libre, de ne pas trouver dans l’égalité, la douceur de n’être plus entourés d’hommes qui avaient à leur demander compte d’une usurpation ou d’une injustice ; plaignons-les d’être même inaccessibles à l’orgueil de n’avoir plus d’autre supériorité que celle de leurs talents, d’autre autorité que celle de leur raison, d’autre grandeur que celle de leurs actions. Mais qu’ils permettent du moins à un homme libre d’oser, au nom de l’humanité consolée, remercier les auteurs de tant de bienfaits, d’avoir rendu possible tout ce que la philosophie avait osé concevoir pour le bonheur des hommes, et d’avoir ouvert au génie une carrière qu’il n’est plus désormais au pouvoir des oppresseurs de lui fermer. La postérité, les nations étrangères impartiales comme elle, pardonneront des fautes qui sont l’ouvrage de la nécessité ou des passions, et se souviendront du bien qui, né de la raison et de la vertu, doit être immortel comme elles ; elles distingueront l’ouvrage de la philosophie et celui de l’ambition ou de l’intrigue, elles ne confondront point les bienfaiteurs des peuples avec les imposteurs qui cherchent à les séduire. Elles sépareront les hommes qui, constamment attachés à la vérité, ont été fidèles à leurs opinions, de ceux qui ne l’ont été qu’à leur intérêt ou à leurs espérances. Le règne de la vérité approche ; jamais le devoir de la dire n’a été plus pressant, parce qu’il n’a jamais été plus utile. Il faut donc que ceux qui lui