Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/451

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et à la même époque. Il exige également une certaine proportion entre les connaissances des hommes et leurs besoins.

Il faut donc que l’instruction du peuple puisse suivre les progrès des arts, et ceux des lumières générales ; et comme la grande pluralité des individus de l’espèce humaine ne peut donner à son instruction qu’un petit nombre d’années, et une attention relativement beaucoup plus faible que celle dont les hommes supérieurs sont capables, il faut encore que les méthodes d’enseigner se perfectionnent, de manière que le même temps et la même attention suffisent pour acquérir des connaissances plus étendues, à mesure qu’elles deviennent nécessaires.

Ainsi, les soins que la puissance publique doit prendre de l’instruction du peuple, ne peuvent se séparer de ceux qu’elle doit donner à une instruction plus étendue ; autrement il arriverait bientôt que le talent se tournerait tout entier vers l’art de gouverner les hommes et de les tromper, et que les ambitieux, débarrassés de la censure incommode des hommes éclairés, trouveraient bientôt moyen d’éluder les faibles barrières que leur imposerait l’instruction commune, ou parviendraient à la corrompre. Les préjugés, qui, dans presque tous les pays, sont la seule instruction de la portion la plus nombreuse, ne sont pas l’ouvrage de la nature, mais celui de l’ambition qui, trompant l’ignorante simplicité des pères, s’empare du droit de livrer à l’abrutissement et à l’erreur les générations naissantes.

Une égalité entière entre les esprits est une chi-